mardi 16 décembre 2008

Rencontre avec Mark Sherringham,
vendredi 12 décembre, 11h-11h30



Après l’avoir remercié de l’invitation à nous rencontrer, nous avons tout d’abord rappelé à Mark Sherringham (MS) « l’historique » de l’Appel du 17 octobre en insistant sur l’inquiétude suscitée dans les universités par les mesures prévues pour la masterisation et les nouveaux concours comme sur l’ampleur de la mobilisation (motions, textes, etc.) contre ses mesures et contre le calendrier. Nous lui avons remis l’Appel avec les signataires (alors plus de 950) et la lettre à l’Inspection générale d’histoire et de géographie.
MS a tout suite déclaré que la masterisation représente une « élévation » du niveau qu’on ne peut pas contester, qu’il s’agit donc d’une élévation du niveau d’exigence et qu’il n’y a aucunement « baisse du niveau ». Tous les concours se feront au niveau master avec deux concours distincts pour le secondaire (CAPES et agrégation). Il précise également qu’il n’entendra, de notre part, aucune remise en cause du « cadre » de la réforme elle-même et qu’il ne nous reçoit pas pour cela. Il réaffirmera nettement cette position à plusieurs reprises au cours de l’entretien, soit à chaque fois que nous contesterons la réforme elle-même. Il est là, nous dit-il pour entendre des « propositions ». Il nous précise, enfin, qu’il ne pourra nous recevoir qu’une demi-heure [aussi un certain nombre de questions que nous avions préparées ne seront pas posées].

Nous avons ensuite abordé la question de la masterisation en rappelant que la position du ministère qui consiste à séparer strictement formation dans le cadre des masters (du ressort des universités) et recrutement (du ressort de l’employeur, le ministère de l’EN) n’est pas tenable dans la mesure où les contenus des épreuves déterminent une partie (MS nous reprend tout aussitôt en disant : une partie seulement…) des contenus des masters « enseignement » qui doivent bien évidemment préparer aux concours. Nous précisons que dans ces conditions et étant données les exigences propres à la préparation au concours (comme par exemple le niveau « licence » pour la connaissance de l’ensemble des programmes scolaires du secondaire pour le CAPES), la part réservée à la « recherche » dans ces masters sera souvent réduite à la portion congrue, au mieux un semestre, ce qui est particulièrement grave car cela revient à « sacrifier » cette dimension essentielle pour la formation des enseignants qui demande à l’évidence un temps plus long. Nous faisons également remarquer que la part réservée à la préparation des concours risque d’être particulièrement « envahissante » dans les masters pluridisciplinaires (prévus dans le cadrage de la DGES), pour la préparation au CERPE notamment, masters souvent « portés » par les IUFM.

MS répond qu’il faut de « vrais masters », qu’ils sont de la responsabilité des universités et que tout étudiant peut faire un master puis préparer et passer le concours. Concernant notre protestation contre la réduction de la dimension « recherche » à un seul semestre du fait des contraintes de la préparation au concours, il réagit assez fermement et avance que ça ne pose pas de problème particulier. Il ajoute, que dans tous les cas de figure il y aura des concours qu’ils soient ou non spécifiquement préparés. À propos de la préparation au concours PE, les université peuvent « s’appuyer » ou non sur les IUFM. Elles se « débrouillent » comme elles le souhaitent, le problème étant qu’elles n’ont pas l’habitude de ce type de formation. Il réaffirme alors la position selon laquelle l’important est que les masters « ne se réduisent pas à la préparation des concours » : c’est une question « d’équilibre » entre recherche et préparation au concours.

Nous intervenons ensuite sur la « formation professionnelle » en insistant sur la suppression de l’année de stage rémunérée de formation en dont nous réaffirmons la nécessité pour une vraie formation professionnelle. Nous faisons valoir que le « transfert » dans les masters de cette formation professionnelle sous forme de stages, y compris de stages de pratique accompagnée (MS. : mais les stages de pratique accompagnée donnent de bons résultats..) ne saurait remplacer l’année de stage ainsi supprimée. Nous demandons une précision sur ce que signifie enseignement « en pleine responsabilité » pour la première année des lauréats au concours, faut-il entendre « plein temps » ? Sur ce dernier point MS repousse l’examen de la question à plus tard en précisant que d’ici 2010, date de mise en place des nouveaux concours, il y a « encore du temps », l’accord sur cette question pouvant se faire vers juin 2009. Effectivement reprend-il, une partie de la formation professionnelle est intégrée aux masters, elle doit articuler le disciplinaire, le pédagogique et la connaissance du système éducatif.
Nous passons à la question des épreuves. MS rappelle que la diminution du nombre des épreuves pour le CAPES a été négociée de longue date (sur 6 mois précise-t-il) avec la CPU et la CDIUFM et avec les « organisations d’enseignants signataires » en recherchant un équilibre (en ne retenant pas par exemple une proposition de réduction à 3 épreuves). Il insiste sur la multiplicité des projets discutés dans cette phase. Le processus de mise au point des épreuves s’est fait, selon MS, en concertation avec les « organisations signataires » à partir des documents de travail (en insistant sur l’expression « document de travail »…). Dans le respect du cadre global présenté comme intangible il peut encore y avoir des adaptations discipline par discipline puisque les canevas proposés sont encore des documents de travail.
Nous intervenons sur la place de la dimension réflexive dans les épreuves (apportée par l’épistémologie et l’histoire des disciplines et qui était un acquis de la défunte ESD pour l’histoire et la géographie ) : sous quelles modalités concrètes cette dimension sera-t-elle présente dans le concours ? MS répond que cette question est « à voir », qu’elle concerne également les futurs jurys et qu’il est, de toute façon, ouvert aux « propositions ».
Concernant les épreuves écrites – dites disciplinaires – nous rappelons notre opposition à ce que le programme du concours soit défini par l’ensemble des programmes du secondaire en faisant valoir qu’exiger un « niveau licence » pour la « période » de l’Antiquité à nos jours en histoire et pour tous les domaines de la géographie est strictement illusoire. Cette question du programme du concours fait-elle partie des « adaptations » disciplinaires évoquées à plusieurs reprises par MS ? Nous demandons pour notre part un programme restreint, les questions retenues pour ce programme restreint pouvant se « caler » sur les intitulés des programmes scolaires.
MS rappelle tout d’abord que la CPU demandait à ce qu’il n’y ait aucun programme et que, dans d’autres disciplines, l’adoption de l’ensemble des programmes scolaires comme programme du concours ne pose, selon lui, aucun problème. Là aussi il peut examiner des « propositions » et ne réagit pas a priori négativement à l’idée d’un programme « restreint ». Il précise qu’il y aura de toute façon des « sujets zéro » et laisse entendre que la mise au point « définitive » des épreuves ne sera pas proposée avant mi-janvier.
Sur la leçon orale nous lui rappelons l’échec de la première mouture de l’épreuve « didactique » (dite professionnelle) de 1992 et soulignons qu’avec l’épreuve orale de « leçon » pédagogique et didactique c’est le même scénario qui se prépare, l’épreuve risquant fort de devenir, pour des étudiant-e-s n’ayant aucune réelle pratique de classe, un exercice de « didactisme » formel… Où est la dimension proprement disciplinaire et scientifique dans cette épreuve demandons-nous ? Le modèle de la leçon de l’agrégation interne (pour sa partie dite scientifique) pourrait-elle servir de référence ? MS se défend tout de suite de vouloir faire de cette épreuve un exercice de « didactisme » et laisse ouverte (?) la possibilité d’une « reformulation de l’épreuve » en confirmant que la référence à l’agrégation interne (nous précisons : il s’agit d’enseignants en place ayant déjà une longue pratique d’enseignement, ce qui change évidemment la donne pour la partie pédagogique de l’épreuve…) est une piste. Là encore la réponse est : faites des propositions (mais toujours sans toucher au « cadre »…).
Les dernières questions portent sur l’épreuve d’entretien avec le jury (connaissance du système éducatif). Nous rappelons notre position : cette épreuve n’a pas lieu d’être en tant qu’épreuve orale à part entière et son coefficient est « anormalement » élevé. Qu’en est-il de la composition du jury de cette épreuve (référence aux « représentants de la société civile ») ? S’agit-il d’un jury par discipline ou « transdisciplinaire » ? MS précise que les « représentants de la société civile » seront des chefs d’établissement, des IEN par exemple, que la composition de ces jurys est de la responsabilité du président du chaque jury disciplinaire, que le président peut même choisir, par exemple pour le CAPES d’histoire et de géographie, des chefs d’établissements issus de cette discipline...
À la fin de l’entretien MS réaffirme qu’il attend des « propositions » restant dans le cadre défini.

Christian Delacroix,
François Dosse,Patrick Garcia.