dimanche 11 janvier 2009

Nos positions au sujet des nouvelles épreuves du Capes

Chers collègues,


Lors de la rencontre du 12 décembre Mark Sherringham nous avait demandé de lui faire des propositions concernant les épreuves du Capes (lire le compte rendu sur ce même blog). étant partisans d’une suspension de l’ensemble de la réforme (master, nouveaux Capes, impossibilité pour les IUFM de procéder à des inscriptions l’an prochain…) qui permette l’ouverture d’une véritable concertation – une « remise à zéro » du dossier pour reprendre les termes employés par Xavier Darcos à propos de la réforme des lycées – et ne voulant pas cautionner le cadre global du nouveau Capes considéré par le ministère comme intangible, nous ne pouvions entrer pleinement dans cette logique. Cependant, y compris en se plaçant dans la perspective souhaitée d’une suspension, il nous a paru bon de rappeler nos positions sur lesdites épreuves.

C’est ce texte, envoyé en début de semaine à Mark Sherringham, que nous mettons en ligne sachant qu’il ne peut s’agir que d’une base de discussion et non d’un projet alternatif qui, conçu dans l’urgence, ne pourrait manquer de présenter des défauts analogues à ceux du projet ministériel.


Nos positions au sujet des nouvelles épreuves du Capes


Texte envoyé à Mark Sherringham, conseiller du ministre de l’Éducation nationale lundi 5 janvier 2009.



Point 1. Pour une suspension de la réforme

Il nous semble désormais impératif que la réforme des concours de recrutement des enseignants, à l’exemple de ce qui s’est passé pour le lycée, soit suspendue pour permettre une “remise à zéro” du dispositif. Nous retenons également, comme pour le lycée, l’idée d’états généraux de la formation et du recrutement des enseignants. En outre nous demandons dans tous les cas le maintien, qui nous paraît indispensable, d’une véritable formation professionnelle – avec une charge de cours significativement réduite – lors de la première année de service des fonctionnaires stagiaires.
Nous tenons cependant, en réponse au dispositif prévu par les ministères, et explicitement pour contribuer positivement au nécessaire débat à venir dans la perspective de la suspension, à réaffirmer et à préciser quelques positions concernant les concours de recrutement des enseignants du secondaire.


Point 2. Les programmes de concours

Le cadrage général (pour toutes les disciplines) devrait indiquer que les programmes des concours sont conçus en lien avec les programmes scolaires. Ce qui laisse la possibilité d’adapter par discipline les contenus des programmes de concours (programmes en entier ou choix de questions dans les programmes).

Pour l’histoire et la géographie, il faut maintenir la parité entre les deux disciplines dans les épreuves car toute idée de majeure/mineure n’est pas praticable : les deux disciplines sont enseignées à parité et le risque, si ce principe était adopté, serait le choix massif de l’histoire en majeure.

Pour l’histoire et la géographie, l’idée selon laquelle l’ensemble des programmes scolaires du secondaire (et post bac !) constituent les programmes du concours nous semble devoir être abandonnée car il est difficile de penser que les connaissances de niveau licence sur la “période” (sic) Antiquité-fin XXe siècle ou sur tous les domaines de la géographie puissent être acquises dans le temps imparti à la préparation (même si une partie de ces connaissances est acquise en Licence).

Principe : retenir quelques grandes questions pour le programme des concours, “réparties” sur toutes les périodes pour l’histoire et sur l’ensemble des les grands domaines pour la géographie.

Difficulté : en histoire, veiller à ne pas restreindre les questions relevant des périodes autres que l’histoire contemporaine.

Les questions au programme pourraient être renouvelées par moitié tous les 2 ans (comme actuellement).

NB. C’est à notre avis la seule solution pour garantir la présence de toutes les périodes en histoire et de tous les domaines en géographie.


Point 3. Les modalités concrètes des épreuves

1. Les épreuves écrites

Si on souhaite qu’au moins une des épreuves d’admission comporte une dimension épistémologique il faudrait, en histoire et géographie :

– par tirage au sort, une épreuve de composition “classique” sur un des thèmes du programme du concours et dans la discipline non tirée au sort une épreuve de commentaire d’un dossier documentaire thématique comportant des documents “classiques” et des documents de nature historiographique et/ou épistémologique en liaison avec le thème retenu. Il faudrait alors explicitement indiquer dans le titre du dossier le thème épistémologique : ex. en histoire “La Grande guerre et la question des témoins en histoire”... La dimension dite “épistémologique” s’appuierait nécessairement sur un thème pris dans les questions au programme du concours.

NB. Si à l’oral il y avait une épreuve proche de l’ESD actuelle (avec ses dimensions histoire des disciplines et épistémologie) on pourrait retenir pour les écrits disciplinaires des dissertations “classiques” dans les deux disciplines…

2. Les épreuves orales


Remarque préalable : rappelons que l’on ne peut pas exiger des candidats une compétence didactique ou pédagogique en l’absence de toute expérience de pratique réelle de classe. Les stages en classe n’étant pas obligatoires pour se présenter au concours, toute épreuve supposant cette expérience serait “illégale”.
Les épreuves orales doivent donc rester des épreuves disciplinaires et évaluer la capacité des candidats à réfléchir sur les connaissances scientifiques, sur les contenus d’enseignement et sur les objectifs de ce dernier.
Il pourrait y avoir deux épreuves orales : une épreuve disciplinaire de “leçon” et une épreuve de réflexion sur la discipline et son enseignement (qui remplacerait l’épreuve prévue de connaissance du système éducatif, voir le point 4.)

2.1. L’épreuve orale dite de “leçon” est un exposé scientifique d’analyse et d’organisation de connaissances disciplinaires sur un sujet, en relation avec les contenus des programmes :

– Sujets fondés sur les intitulés des programmes en vigueur ou sur les programmes du concours, tirage au sort histoire ou géographie et exposé organisé précisant la problématique générale, les idées force, les choix des contenus disciplinaires et les notions clés pour traiter le sujet suivi d’un entretien avec le jury.

L’exposé comporte notamment :

– une analyse des propositions des programmes (et documents d’accompagnement) en vigueur sur le thème en termes de choix de problématique, de contenus, de notions, de découpage (chronologique ou spatial)
– un état de la question d’un point de vue scientifique en intégrant une dimension historiographique (grands travaux, grands débats…)
– une analyse des documents utilisés avec leur présentation, leur intérêt scientifique, leur pertinence par rapport aux programmes
– une présentation de la bibliographie utilisée.

2.2. La deuxième épreuve orale de réflexion sur la discipline et son enseignement reprendrait les principes et les acquis de l’épreuve sur dossier (ESD) actuelle. Elle n’est en aucun cas une épreuve “didactique”, “pédagogique” ou “professionnelle”. Elle comporterait comme domaines de questionnement :

- l’histoire et l’épistémologie des disciplines
- l’histoire de l’enseignement des disciplines
- les programmes en vigueur (finalités, problématiques, organisation, choix de contenus disciplinaires, notions, documents, points en débat).

Sujets portant sur un ou plusieurs des domaines de questionnement à traiter avec appui sur un dossier documentaire, obligatoirement en référence avec un thème disciplinaires présent dans les programmes en vigueur (ex. en histoire : “Le devoir de mémoire s’impose-t-il aux historiens ? À partir de l’exemple de l’histoire de Vichy” ou en géographie : “En quoi l'étude des villes sert-elle à la géographie dans l'enseignement ?” ). Quel que soit le sujet, celui-ci préciserait que les enjeux pour l’enseignement doivent être abordés.
Comme pour l’épreuve actuelle, tirage au sort entre l’histoire et la géographie ; exposé suivi d’un entretien comprenant une partie consacrée à la discipline non tirée au sort et une autre à l’éducation civique).

NB. La redéfinition de cette épreuve bénéficierait de l’expérience acquise dans la préparation de l’ESD actuelle et de celle des jurys (dans toutes les disciplines).

Point 4. À propos de l’épreuve orale sur la connaissance du système éducatif

En raison de sa définition actuelle et de son coefficient nous demandons qu’elle soit supprimée en tant qu’épreuve orale et qu’elle fasse, avec des contenus redéfinis, l’objet d’une validation comme pré-requis lors de la formation.
Les domaines de questionnement pourraient alors être :

- l’histoire de l’école et du système éducatif et son organisation actuelle
- la sociologie de l’école et de l’éducation
- la déontologie professionnelle et les valeurs de l’école publique républicaine (en se basant sur une partie des programmes d’Éducation civique et d’ECJS).

NB. Cette suppression pourrait permettre le maintien à l’oral du Capes d’une seconde épreuve orale disciplinaire (voir le point 3. 2.2).

Christian Delacroix,
François Dosse,
Patrick Garcia.