jeudi 30 octobre 2008

CONTRIBUTION DE VÉRONIQUE LAMAZOU-DUPLAN (UNIVERSITÉ DE PAU ET DES PAYS DE L'ADOUR).

Je vous suis entièrement sur les points qui suivent et ajoute quelques remarques :
- je déplore grandement la suppression d'une vraie année de stage en responsabilité (que ne remplaceront en rien des stages d'observation ou de pratique accompagnée)
- la fonte des exigences disciplinaires à travers le nombre et le type d'épreuves. Un niveau scientifique élevé est nécessaire à l'aisance du futur enseignant qui doit dominer ce qu'il enseigne et savoir préparer efficacement tel ou tel thème qu'il n'aura pas forcément vu durant les cours de L ou de M1. - certaines questions des programmes de CAPES d'histoire et géographie étaient parfois trop éloignées de ce qu'un enseignant aurait à enseigner de la 6è à la Terminale. Mais ne donner comme exigence qu'une bonne connaissance, niveau L, du contenu des programmes de collège et lycée, revient dans bien des cas à de la culture générale. Des questions précises, tirées des programmes de collèges et lycées, dans les 4 périodes en histoire, permettraient de savoir préparer et travailler une question de façon approfondie (cf. point précédent).
- je suis pour ma part, et d'autres avec moi, choquée par l'introduction de "représentants de la société civile dans les jurys". Que les jurys de recrutement aux concours de l'EN intègrent des acteurs du système éducatif, et pas seulement des enseignants, me semble souhaitable pour certaines épreuves (ex sur la connaissance du système éducatif) mais serait-il concevable de proposer que des avocats, des professeurs de 1er et 2d degré, des chefs d'entreprise ou autres siègent au jury d'une thèse de médecine ou à celui de concours de médecine hospitalière ? Cela choquerait le grand public que de proposer des équivalences... Les jurys doivent rester composés par des professionnels du système éducatif.
- le caractère national des concours doit être maintenu, or le texte ne dit jamais si les concours (l'on aborde successivement le concours de PE, actuellement académique, puis les CAPES/PLP/Agrégation, actuellement nationaux) si ces concours seront nationaux ou académiques. - enfin l'alignement du nombre d'épreuves dans les concours du 1er degré et du second degré (qui va de pair avec la fonte de l'exigence disciplinaire) me semble peu adapté au métier du futur enseignant...
Pour toutes ces raisons, je pense qu'entériner sans débat, sans réaction, ce texte, préparer à la va vite des maquettes de M (à rendre pour décembre 2008 d'après les circulaires) est précipité, hasardeux, porteur de lourdes et fâcheuses conséquences pour les étudiants et le système éducatif français.

lundi 27 octobre 2008

CONTRIBUTION DE PAUL STOUDER ( IA-IPR honoraire)

Votre appel à contributions me suggère les propositions suivantes :

  • Stage de formation professionnelle : afin d’aider les étudiants à prendre les classes en main, on pourrait commencer par un stage de conduite accompagnée par un tuteur expérimenté, avant de leur confier les classes en responsabilité ;
  • Epreuves disciplinaires sur les programmes du secondaire : pratiquées à l’oral de l’agrégation interne avec des résultats inégaux alors que les candidats enseignent dans le secondaire, elles aboutiront à un bachotage et à un très faible niveau d’exigence.
  • Participation de représentants de la société civile dans les jurys : on sait que tout un chacun à son avis sur ce qu’il convient d’enseigner en histoire (beaucoup plus rarement en ce qui concerne la géographie) et que les références historiographiques et épistémologiques ne sont pas les plus récentes. Envisage-t-on de demander à des représentants de la société civile de siéger dans les concours de médecine ou de droit ? C’est confondre l’attente sociale à l’égard de l’enseignement, attente formulée par le législateur, et sa mise en uvre qui relève des professionnels.
  • Epreuve orale de pédagogie et didactique : voilà bien un fourre-tout propice à des discours plus ou moins convenus déconnectés de la pratique de la classe. L’épreuve sur dossier aurait-elle démérité ? Au contraire, elle s’est progressivement imposée et a eu d’heureuses répercussions sur la prise de conscience par les professeurs des enjeux historiographiques et épistémologiques.
  • Epreuve de connaissance du système éducatif : connaître l’histoire de l’institution comme l’histoire de sa discipline est certes nécessaire mais ne constitue qu’une discipline de formation, non un domaine propre justifiant d’une évaluation spécifique.

samedi 25 octobre 2008

CONTRIBUTION D’ANNE LEMONDE (UNIVERSITÉ PIERRE-MENDÈS FRANCE, GRENOBLE II)

Les enjeux d’une réforme trop rapide du CAPES

Les quelques remarques qui suivent ont un statut ambigu : fruit de la réflexion d’une historienne, elles prétendent jeter un regard critique et, si possible, distancié, sur une situation dans laquelle conjoignent conflits d’intérêts et enjeux de portée plus générale. Et en même temps, on ne niera pas procéder ici à un vigoureux plaidoyer pro domo, celui d’une universitaire dont la discipline, en tant que discipline de recherche, lui semble menacée par les réformes envisagées. Pour autant, défendre le fruit d’un travail plus que séculaire, reconnu au niveau international encore aujourd’hui, ne saurait être considéré comme un simple « lobbying » de la communauté menacée des enseignants-chercheurs, mais voudrait au contraire témoigner d’une certaine assurance devant un bilan dont notre institution n’a pas à rougir.
En France, et c’est une originalité nationale, la recherche historique est, depuis que la discipline s’est vue reconnaître comme science, intimement liée à l’existence de « concours de recrutement » de l’enseignement, secondaire surtout, mais aussi, indirectement, primaire. Cela résulte d’une longue tradition qui date du temps où les Jésuites, chassés du royaume, furent remplacés dans les collèges par des « agrégés de l’université ». Le phénomène ne fit que se renforcer au XIXème siècle. Tant et si bien que, pour ce qui concerne spécifiquement l’histoire, lorsque fut instituée, en 1885, l’agrégation moderne, la faculté s’organisa de façon nouvelle, en quatre périodes académiques, avec les chaires afférentes dont les détenteurs étaient chargés de préparer les candidats aux questions portant sur chacune de ces périodes. Ceci est une spécificité française dont l’explication tient au statut même de l’histoire dans la définition de l’identité nationale au lendemain de la défaite de Sedan. Une dialectique efficace a alors vu le jour qui unit les trois pôles ayant trait à la connaissance de l’histoire : la demande sociale d’une part, l’enseignement d’autre part, la recherche universitaire enfin. De ce cadre, est sortie une « école historique française » de tout premier plan, dès avant la Première Guerre mondiale. Son prestige ne s’est pas démenti par la suite, même si les deux dernières décennies du XXème siècle ont pu laisser entrevoir un certain tassement, face aux développements de l’historiographie anglo-saxonne. Bien sûr, cette école historique a pu être remise en cause, critiquée aussi pour son assurance démesurée, son organisation très jacobine… Cela démontre à tout le moins l’existence de mécanismes qui, au bout du compte, garantissent le fonctionnement démocratique de la recherche historique chez nous ; et cela est louable.
Or c’est tout cet héritage que brocarde la réforme actuellement en cours des concours de recrutement des enseignants du Secondaire. Sous couvert de « professionnalisation », cette réforme prévoit : 1) de supprimer le « programme spécifique du concours », en le remplaçant par « les programmes des collèges et lycées » et en les mâtinant d’une certaine dose « d’ épistémologie et histoire de la discipline » ; 2) de supprimer « l’oral disciplinaire » pour le remplacer par une « mise en situation d’enseignement » et une « épreuve de connaissance du système éducatif » ; 3) de remplacer les jurys composés majoritairement d’universitaires par des jurys en « prise directe sur la réalité des collèges et lycées ». Nous ne nous arrêterons pas ici sur les contorsions de langage, pour ne pas dire la langue de bois, de tout ce discours : le propos donne le change, ici, au lobby des enseignants de l’IUFM. Ceux-ci s’étaient crus un temps en instance de perdre leur rôle de formateurs ; ils sont sans doute rassurés… Les termes de la réforme leur donnent gain de cause, au détriment, non pas des universitaires, mais de la discipline elle-même. Cette question-là ne fera pas débat, soyons-en bien certains ; constatons néanmoins, avec clairvoyance, l’issue d’un rapport de force d’emblée très défavorable à notre milieu. En revanche, il est urgent de mesurer les conséquences de telles décisions et de s’inquiéter de la part d’irresponsabilité qu’elles recèlent. Les propos qui suivent pourraient d’ailleurs s’appliquer à d’autres champs disciplinaires que l’histoire-géographie. Mais il nous semble que le point de vue des historiens est spécialement révélateur et pour tout dire paradigmatique.

Plaçons-nous tout d’abord à l’un des pôles de la dialectique envisagée plus haut et, puisqu’il est question de recrutement de professeurs du Second Degré, celui de l’enseignement dans les collèges et les lycées. En privant les universitaires de la maîtrise complète de la préparation au CAPES par une réforme « professionnalisante », on risque fort d’assécher, à la racine, tout ce qui faisait la qualité de l’enseignement secondaire français. Précisons d’emblée, car la question y est intimement liée, que l’agrégation ne risque pas de pallier les méfaits de la réforme : la diminution, drastique, du nombre de postes à ce concours est sur le point d’en fermer l’accès hors des ENS et donc d’entraîner la disparition de tous les centres universitaires de préparation à ce concours.
En histoire, la préparation au concours est (était) une année qui intégrait véritablement les candidats à une « culture » d’historien, une identité, sur le mode, par exemple, de l’internat en médecine. Cette culture, quelle est-elle ? Pour le dire en deux mots, elle est celle de l’intelligence critique, dont l’historien prétend, en toute modestie et avec d’autres, être un « professionnel ». Une intelligence critique qui est au fondement même de la citoyenneté démocratique : loin de se décréter, elle résulte d’une formation longue, fastidieuse, associant sans cesse académisme et rigueur intellectuelle dont l’obtention du CAPES était comme un couronnement pour le bon étudiant ; l’ambition de la diffuser le plus largement possible dans la société, dans le cadre de l’école gratuite et obligatoire fut, sans doute, une des plus belles réussites de notre république. La traduction « sociale » en fut, depuis bien longtemps, le poids exceptionnel de l’histoire-géographie dans les lycées et collèges, la troisième des disciplines après le français et les mathématiques. D’une certaine manière, ces très nombreux professeurs d’histoire-géographie font figure de « hussards noirs » de l’enseignement secondaire.
Au fondement de cette intelligence critique, une méthode, celle de la dissertation et du commentaire de documents, assortie de vastes connaissances « disciplinaires » : grâce au CAPES « ancien », et par ricochet dans la formation des élèves du secondaire, cela restait une des caractéristiques de l’esprit français, assorti d’un niveau de culture générale vanté partout dans le monde. Avec la réforme, le glas a sonné du commentaire de documents et, sans doute, de la dissertation avec lui. Derrière les lettres classiques et La Princesse de Clèves, médiatiquement raillées par notre président, c’est toute une culture critique qui va sombrer, pleurée sans doute par de rares esprits chagrins. On pourra les accuser de fredonner toujours la même antienne concernant « la baisse du niveau » ; il faut pourtant réaliser que l’on a ici affaire à autre chose et que l’on assiste bien à la braderie d’un long héritage, héritage que les réactionnaires ne sont pas les seuls à juger précieux.
On nous parle de professionnalisme ; il faudrait quand même savoir ce que l’on entend par là… C’était et c’est encore bien en cela que gît le grand professionnalisme des enseignants d’histoire-géographie : dans une culture disciplinaire très exigeante, une rigueur de la méthode qui en est inséparable. Parler de professionnalisation en demandant de réciter un schéma bachoté (« la connaissance du système éducatif ») sans aucune intelligence critique, ou en pensant « mettre en situation » des étudiants très jeunes et, par définition, sans expérience, est au mieux une naïveté. En tout cas, bien malin celui qui nous dira, enfin, ce qu’il y a de « professionnel » dans le fait de connaître par cœur le BO de l’année ou le prêchi-prêcha du moment sur les fonctions d’enseignant. Cela n’est pas sérieux et ne pourra jamais l’être ; au mieux s’agit-il d’une collusion, toute conjoncturelle, entre un affichage politico-médiatique prétendument libéral et la défense de niches bien favorables par certaines catégories de formateurs d’abord soucieux de rester où ils sont. Et au fond, sont ainsi renvoyés dos à dos les « véritables professionnels » et les savants : les premiers seraient dans le réel (i.e. le professionnel, censé être tout entier contenu dans les IUFM…), les seconds de doux rêveurs hors du temps. Doit-on comprendre qu’un schéma couleur, agrémenté de jolies flèches ascendantes, décrivant le « système d’enseignement aujourd’hui » est plus réel qu’une recherche d’historien sur la genèse du sentiment national dans la France du XVème siècle ? Le réel d’un enseignant aujourd’hui, quel est-il ? Il est celui d’un collège de banlieue où violence et difficultés d’intégration sont quotidiennes. Pour l’affronter, ne vaut-il pas mieux avoir réfléchi sérieusement, en scientifique dont on maîtrise la méthode, à la question identitaire plutôt que de connaître le sens des sigles SMS, STI ou STT ? Plus généralement, quel sens critique allons-nous léguer à nos enfants devant le discours politique réel de ceux qui nous gouvernent ?

Si l’on se place à présent à l’autre bout de la chaîne de « genèse du savoir historique », celui des universités, les choses peuvent être dites sans fard et sans honte par les enseignants-chercheurs : une réforme prétendument « professionnalisante » des CAPES privera les historiens du volet le plus stimulant de leur enseignement universitaire et au bout du compte de la finalité même de leur tâche la plus directement en prise sur « la demande sociale », celle de formateur. Certes, celle-ci doit être repensée, élargie sans doute, mais s’attaquer ainsi au cœur même de toute une institution dont les résultats sont patents, peut sembler à tout le moins imprudent. Par un processus complexe, la recherche historique française, de grande qualité, se trouve en fait financée, indirectement, par le recrutement massif, chaque année, de nombreux professeurs d’histoire-géographie dans les collèges et lycées. En ce recrutement, les enseignants-chercheurs en histoire trouvaient leur reconnaissance sociale immédiate et cela justifiait que l’université française compte un grand nombre de maîtres de conférences et de professeurs d’histoire, bien plus grand que les universités étrangères. Et c’est ainsi, et ainsi seulement, que la recherche historique française a pu accéder aux succès qu’on lui connaît : par le travail d’un groupe de gens suffisamment nombreux pour faire masse et faire bouillonner et fructifier des projets dynamiques.
Le processus est complexe car cet état de fait n’est pas le fruit du hasard ou d’un lobbying opportun bien daté : il est le résultat d’un véritable projet de société, qui faisait de l’histoire une pièce maîtresse de notre identité nationale, constat qui ne pouvait être que performatif et donc revêtir de profonde implications pédagogiques (cf les volumes correspondants des Lieux de mémoire). Au fil du XXème siècle, ce lien congénital entre recherche historique et enseignement fut régulièrement réactivé, et en dernier lieu au début des années 90, lorsque l’on recruta, en une dernière grande vague, de nombreux enseignants-chercheurs. On peut le repenser, le réactualiser d’une façon peut-être moins artificielle qu’il y a vingt ans en l’ancrant davantage dans la modernité économique, les critères de rentabilité : par exemple, il n’est pas aberrant d’imaginer une offre de formation « complémentaire », sous la forme d’un plus culturel de qualité aux cadres du secteur privé ou aux futurs cadres hospitaliers. Autre direction d’ouverture envisageable : faire de nos premiers cycles une véritable propédeutique, reconnue comme telle, aux métiers de l’administration…, etc. Cependant, il paraît difficile de considérer ces ouvertures comme autre chose que des compléments : notre ancrage dans l’enseignement est existentiel. Si l’enseignement secondaire est, de fait, coupé de la culture scientifique, alors, bien sûr, le nombre des chercheurs va très rapidement décroître : quelle justification trouver, en effet, à un grand nombre d’enseignants-chercheurs dès lors qu’il faudra se contenter de faire connaître aux étudiants « un bon manuel de Lycée »… Les postes d’enseignants-chercheurs seront alors réservés à une toute petite portion des Normaliens qui auront réussi à faire leur trou ; et c’est toute une dynamique, au sein des universités, comme des ENS qui va se trouver sectionnée net, à tout jamais. Si un autre projet de société nourrit cette mise à bas de la recherche française, alors nous aimerions le connaître ; il semble malheureusement que rien de tel n’anime la réforme prévue, rien d’autre que la collusion d’intérêts immédiats et d’un affichage médiatique d’une légèreté inouïe.

Contribution de Christian Stein, MCF, histoire romaine, Université de Bourgogne

Pour contribuer au débat, je voudrais juste signaler que la nouvelle "leçon orale" pourrait s'inspirer de ce qui se fait à l'oral de l'agrégation interne. Là où à l'interne la partie pédagogique de l'épreuve intègre l'expérience des candidats, on pourrait imaginer pour des candidats sans expérience une réflexion qui exploiterait les stages du Master et reprendrait aussi une partie de l'ESD actuelle (la dimension connaissance des programmes).
Dans la mesure où le CAPES est bidisciplinaire, il faudrait aussi garder deux épreuves à l'oral, et en particulier un commentaire de document(s).
Dans tous les cas, il faut éviter à l'oral une épreuve comme la leçon de CAPES actuelle : trop de candidats reprennent directement les manuels directement et il est difficile de les évaluer correctement les uns par rapport aux autres.

Contribution de Jean Leduc, Ancien professeur d’histoire

Voici quelques remarques en réponse à votre appel à contribution et à la réaction de François Grèzes-Rueff. Mon propos se veut réaliste : il me semble impossible de contrer frontalement le processus en cours mais encore possible de l’infléchir, surtout si un moratoire pouvait être obtenu.
1. Concernant les épreuves écrites, je ne suis pas choqué que la référence soit les programmes du secondaire. Au demeurant, n’en va-t-il pas ainsi, d’ores et déjà, pour les CAPES d’autres disciplines que l’histoire et la géographie ? Il faut, toutefois, que trois conditions soient remplies :
- Le niveau de connaissances requis des candidats au CAPES n’est pas celui que l’on demande aux élèves.
- En conséquence, ii ne faut pas demander aux candidats de traiter de n’importe quelle partie de l’ensemble des programmes mais leur proposer une sélection raisonnable de ceux-ci. Cette sélection comprendrait des périodes et des thèmes divers que l’on pourrait renouveler périodiquement. On pourrait envisager quelques points fixes : ainsi, en histoire, on pourrait proposer en permanence l’ensemble du programme de seconde qui a l’avantage d’embrasser l’ensemble des périodes canoniques.
- Les sujets proposés aux candidats leur demanderaient, outre des connaissances « factuelles », de manifester leur capacité à problématiser, à conceptualiser, à donner quelques références bibliographiques, à évoquer tel débat historiographique.
-
2. Concernant les épreuves orales :
- Je n’ai rien contre l’épreuve portant sur la connaissance du système éducatif dans les conditions prévues par la note de cadrage, à une exception près : le jury ne doit comporter que des professionnels appartenant à l’Education nationale.
- Le point le moins acceptable du projet est la leçon d’oral consistant à faire comme si le candidat faisait une leçon devant une classe. Même après avoir effectué un stage de sensibilisation en établissement (voir plus loin, point 3) il est impossible de construire un projet de séquence didactique et, a fortiori, absurde de mimer celle-ci devant un jury.
Par quoi remplacer cette partie de l’oral ? Je ne pense pas qu’on puisse maintenir l’épreuve sur dossier telle qu’elle fonctionne actuellement en histoire et géographie. Il faut sans doute regarder du côté de ce qui se pratique dans d’autres disciplines. Le modèle retenu par le projet ministériel est fortement marqué par la pratique de l’ESD en Philosophie (montrer en acte comment on ferait tel cours) ou dans les disciplines scientifiques (expliquer comment on ferait tel cours). Ne vaudrait-il pas mieux regarder du côté des lettres et des langues qui proposent en ESD, non de présenter un projet didactique, mais de réfléchir sur les programmes, les instructions, les manuels, les sujets d’examen. En histoire et géographie, l’ESD aborde aussi ces questions mais fait une très large place aux questions historiographiques et épistémologiques. Une place sans doute trop large dans un concours qui a pour objet de recruter des professeurs du secondaire.
Les compétences – indispensables - dans ces domaines théoriques doivent être évaluées, avant, en licence et master.

3. Concernant les stages :
- Il est indispensable que, durant le master, les candidats aient fait un (ou plusieurs) stages d’observation et de pratique accompagnée dans des classes et qu’ils en aient rendu compte. Cette expérience est nécessaire pour éclairer la voie professionnelle qu’ils envisagent et pour enrichir leurs prestations écrites et orales du CAPES, sans pour autant que les sujets qui leur sont posés puissent partir de ces stages (il ne faut pas revenir aux errements de 1992-1993). Faut-il rendre ce stage obligatoire pour pouvoir s’inscrire au concours (comme ce fut le cas, jadis, pour le « stage d’Agrégation ») ? Je le pense.
- Il est tout aussi indispensable de maintenir l’année de stage après le concours et avant la titularisation. Il faut sans doute accepter l’augmentation du temps de service du stagiaire : 2/3 de stage en responsabilité, 1/3 de regroupements de formation et de stage de pratique accompagnée dans l’autre cycle. Avec plein traitement, évidemment. Et possibilité d’effectuer une deuxième année de stage si la première ne suffit pas.
Les lauréats du concours qui auraient déjà au moins un an de pratique de l’enseignement auraient droit à une décharge plus modique (deux heures ?) pour participer à certaines formations.

Contribution de François Grèzes-Rueff, Université de Toulouse-Le Mirail et IUFM de Midi-Pyrénées

Plusieurs aspects de cet appel à débat relèvent de l’évidence, même si on ne doit pas exagérer leur portée.
- Le moratoire, en particulier, est de façon absolument unanime exigée par tous ceux qui travaillent autour du concours, et serait évidemment indispensable à l’existence d’une réflexion sérieuse. Cela dit, je me souviens de la rentrée 1991, quand personne ne comprenait rien à l’épreuve sur dossier et que Dominique Borne en personne devait téléphoner dans l’urgence aux responsables des préparations en province (dont j’étais) pour essayer de dissiper les malentendus. Les conditions non plus n’étaient pas très bonnes, cela n’a pas conduit à la catastrophe.
- Acceptons de même la critique de bon sens sur la suppression du stage en responsabilité, qui est le vrai problème de cette réforme : là encore, tout le monde s’accorde aussi à exiger des décharges importantes la première année d’exercice, cette transition pour l’entrée dans le métier étant absolument nécessaire. Mais relativisons de même le « drame » que cela représente. Cette mesure improvisée sera facile à corriger, justement en donnant un peu plus de décharges, quand le constat sera fait du caractère indispensable de cette transition. Et par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme votre texte, rien n’interdit les IUFM, dès lors qu’ils s’accordent avec le rectorat sur ce point, d’organiser un stage en responsabilité de trois ou quatre mois. L’obstacle légal est imaginaire (et traduit d’ailleurs toute une culture française de la fonction publique) : s’il était réel, un recteur ne pourrait pas recruter des non-fonctionnaires contractuels et leur confier une classe… Preuve peut-être qu’un peu de connaissance du droit public, contenu dans la troisième épreuve d’oral, peut être utile pour participer au débat sur l’éducation. Bien sûr, cela nécessitera des formes un peu plus compliquées qu’une mise en stage statutaire (il faudra passer par des contrats et des conventions), et cela va peut-être faire reculer les responsables de formation qui n’auront pas envie d’y gaspiller leur énergie ; mais si on veut le faire, on le peut, cela relève de l’autonomie des universités et des équipes qui seront chargées de l’organisation et de l’accompagnement de ces stages. Mieux, nous y serons peut-être obligés : comment, par exemple, parviendrons-nous à donner un master aux candidats et aux lauréats à l’agrégation interne si nous ne leur libérons pas une partie de leur emploi du temps ? Il n’y aura pas de moyens : l’idée de les faire remplacer par des étudiants en master n’est pas absurde.

Je suis bien plus critique sur vos objections aux épreuves d’écrit. D’abord par l’emploi abusif, dans tout ce débat, du terme «disciplinaire », un sujet sur lequel je travaille en ce moment. Un minimum de prise de recul historique éviterait de confondre une spécialité universitaire avec une discipline scolaire. Une discipline scolaire n’est en rien un découpage du savoir fixé de toute éternité, c’est un outil pédagogique inventé par et pour l’enseignement secondaire dans le but de discipliner l’esprit des adolescents qu’il éduquait. Le programme scolaire et, effectivement, le travail effectué en classes préparatoires, incarnent très bien cet outil : état du savoir un peu décalé par rapport à la recherche de façon à qu’il ait eu le temps d’être didactisé. Un concours sur l’ensemble des programmes est de ce point de vue infiniment plus « disciplinaire » que le concours actuel qui demande aux étudiants de travailler sur la Germanie au 10ème siècle (là, on n’est pas dans le disciplinaire, on est dans le spécialisé), un sujet qu’ils n’auront jamais à enseigner : si le jury du CAPES avait décidé de suicider les questions de concours sur programme spécifique, il ne s’y serait pas pris autrement.
L’invocation de « problèmes spécifiques » est un classique de la littérature des lobbies disciplinaires, qui se gardent en général bien de justifier cette « spécificité » copieusement invoquée pour garantir leur territoire (voir par exemple sur cette réforme les exigences de l’éducation physiques dont les « spécificités » exigent, bien sûr, cinq voire six épreuves et non quatre). La « spécificité », c’est notre façon de dire « not in my backyard » : les lettres posent dans leur CAPES des sujets sur « toute » la littérature, mais cela les concerne, ce qui est possible chez eux (ou en mathématiques) est impossible chez nous. En outre, que je sache, personne n’a pétitionné pour expliquer que l’épreuve dite « hors-programme » de l’agrégation conduisait à « un niveau d’exigence très bas ». Faut-il supposer que, pour un concours noble, les vastes étendues du savoir historique et géographique traduisent une authentique culture d’élite alors que pour un concours roturier comme le CAPES, cela se traduit nécessairement par des manuels superficiels et vulgaires ?

Enfin, sur la façon d’y intégrer une dimension réflexive (histoire et épistémologie de nos disciplines), j’ai envie de répondre : mettons-nous au travail. L’épreuve sur dossier avait été une très brillante innovation au moment de sa création. Elle nous faisait faire avec nos étudiants un travail passionnant qui, en fin de parcours d’études, les ouvraient à des questions fondamentales qui très souvent étaient pour eux une révélation fascinante. C’est probablement une des raisons de notre très fort attachement à cette épreuve. Mais elle avait vieilli et avait été rattrapée par la vogue de l’historiographie. Les UE de licences qui y étaient consacrées se sont multipliées, et il n’est plus un travail de master qui ne commence par une problématisation historiographique. L’épreuve est nettement moins originale et elle ne comble plus une lacune béante des études d’histoire et de géographie. Du coup, elle s’est un peu figée et académisée, les questions d’épistémologie l’emportant sur la problématique de la transmission : plus rituelle, moins utile, elle méritait d’être revisitée. L’idée de l’intégrer aux épreuves de contenu, donc de demander une mise en œuvre concrète des connaissances historiographiques et épistémologiques ne me paraît pas stupide.
Comment faire, demandez-vous ? Tentons l’exercice : soit une question du programme de première, les guerres du premier vingtième siècle, 1914-1945. Il ne me paraît pas difficile de demander d’abord un premier exercice historiographique de deux pages environ, se fondant sur trois-quatre textes (mettons : Droz, Mosse, Prost, Audoin-Rouzeau) ; puis une mise en œuvre des problématiques dégagées dans cette première partie à travers un récit périodisé et porteur de sens des principales étapes de la montée aux extrêmes de ce que les programmes scolaires nomment le « réensauvagement des sociétés ». En quoi cet exercice a-t-il un « niveau d’exigence très bas » ? En quoi est-il « superficiel » ? Et je ne doute pas que vous saurez sans peine améliorer ce petit bricolage improvisé.

La seconde épreuve orale sur le système éducatif me semble, au contraire, particulièrement bienvenue. Il est bon qu’un enseignant ait réfléchi à l’organisation du système éducatif dans lequel il travaille. La forme de l’étude de cas, que l’on trouve par exemple dans le CAPES « documentation » ou dans le concours des CPE, évite justement l’écueil « bachotage formaliste » et on n’est amené à considérer ces matières comme « ennuyeuses » que lorsque l’on refuse, par manque de curiosité intellectuelle, de s’intéresser au droit et à la sociologie de l’éducation (et peut-être à l’histoire de l’éducation), qui sont des spécialités passionnantes et nettement plus « utiles » au bagage du futur enseignant que la Germanie au 10ème siècle : cela ne me laisse nullement « perplexe ». Que, dans ce jury-là, siègent un maire, un conseiller général, un juge pour enfant ou un inspecteur d’académie ne me semble nullement scandaleux, c’est d’ailleurs fréquent dans divers oraux de recrutement de fonctionnaires.
Je serai plus hésitant sur la leçon d’oral, qui effectivement me met un peu mal à l’aise par son côté théâtre d’ombre d’une leçon devant un public absent, d’une abstraction d’enseignement qui risque de prendre bien des formes un peu ridicules. Mais l’intention n’est pas mauvaise et le « cadrage » reste très vague sur la forme : à nous de faire preuve d’imagination pour construire une épreuve sérieuse et conduisant à une réelle réflexion sur le métier. Je n’ai pas de réponse à chaud sur ce point, je crois qu’il faut effectivement le travailler collectivement : le débat auquel vous nous invitez est très certainement un des meilleurs lieux pour le faire.

Contribution d’Olivier DUMOULIN

Olivier Dumoulin, Professeur des Universités, histoire contemporaine, Université de Caen Basse-Normandie, membre du jury du CAPES d’histoire-géographie, Epreuve sur dossier.

Cet argumentaire se déploie sur trois plans : une réflexion globale pour la protection de l’éducation nationale, un souci de défense de la recherche universitaire, et enfin des positions et des propositions spécifiques au titre du recrutement des professeurs d’histoire et de géographie


1- Conservatisme ou réformisme : un faux débat.

Comme chercheur, enseignant, citoyen et, parfois, comme parent je ne peux pas me satisfaire du refus de toute modification pour fonder mon hostilité mais, tel qu’il est, ce projet se pare de vertus qu’il usurpe.
Il ne remédierait pas aux défauts inhérents aux concours tels qu’ils fonctionnent. tout en accroissant leur part d’arbitraire et d’inadéquation à l’exercice du métier de professeur.


11 La « mastérisation » approfondissement de la formation : un leurre

La mastérisation améliorerait, en la prolongeant, la formation des enseignants : il s’agit d’un pur et simple leurre.
Aujourd’hui un étudiant doit obtenir une licence, consacrer un an à la préparation des concours et suivre d’une année en IUFM, avec une charge de cours très modeste afin de terminer sa formation en compagnie d’un tuteur et avec des éclairages pédagogiques complémentaires à l’IUFM. Soit 5 années de formation.
Demain après trois années de licence et deux années de master, le jeunes professeur assurera d’emblée un service quasi complet avec les conseils d’un ancien. Soit 5 années de formation effective.
Sans parler des programmes des épreuves, on peut donc avancer avec certitude que la réforme n’approfondit en rien la formation. Ajoutons qu’une proportion dominante des candidats, dans certaines disciplines, avait souscrit aux obligations d’un Master 1 avant son succès au concours puis au CAPES pratique qui, de fait, consacrait un parcours sur 6 ans.

12 Ce projet préparerait mieux au métier d’enseignant grâce à l’épreuve pédagogique : un faux-semblant.

Évaluer une formation au terme de quelque mois de préparation n’a aucun sens. Si l’épreuve pédagogique se déroule après trois semestres au cours de la seconde année de master, 30% du temps de formation sur trois semestres, au maximum, auront été consacrés à la découverte de la pédagogie et de la didactique sans aucun stage obligatoire.
En clair le 1/5 du temps que les étudiants en médecine passent au chevet des malades, en l’occurrence sans jamais voir un patient (pardon un élève). Soit il s’agit d’évaluer de véritables savoir-faire et il convient d’assurer une progression de plusieurs années, comme en médecine avec une maîtrise accompagnée et progressive du savoir-faire, soit il s’agit d’une pâle imitation décontextualisée de la dite pratique et par conséquent d’une comédie. Effet secondaire et dévastateur, les lauréats confortés par leur réussite pourraient avoir la conviction que cette imitation dénaturée correspond au métier de professeur. Signalons au passage la fin du CAPES pratique qui, en dépit de ses défauts, sanctionnait une prestation devant une véritable classe et non un aréopage d’enseignants.

13 L’illusion de l’adaptation à l’employeur : la confusion de la sélection et de la formation

« Connaître la maison » serait le but du dernier temps de la sélection. Pour entrer chez IBM je n’ai jamais entendu dire qu’il fallait connaître les rouages d’IBM et l’on pourrait à bon droit penser que cette tâche de découverte n’incombe pas au candidat mais à l’employeur. Des décharges de cours pourraient avec profit permettre au jeune professeur de suivre tantôt le principal, tantôt le CPE, tantôt les conseils de classe dans leur pratique quotidienne. Mais, dans le contexte présenté, il s’agit au mieux d’un contrôle technique de connaissance des textes, au pire du placage de conseils de formatage sans aucune appropriation. En clair, si les objectifs sont véritablement ceux d’une meilleure adéquation à l’entreprise collective d’éducation nationale, il ne devrait pas s’agir d’une opération de sélection mais d’une entreprise de formation de personnels, reconnus compétents par ailleurs.

14 « Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles » : non.

La mise en évidence de cette triple défaillance du projet en l’état ne revient pas à couvrir les procédures actuelles de louanges. Mais la réforme n’est pas en soi un progrès : une réforme peut être encore pire que le mal. En l’occurrence c’est le cas : il s’agit d’économiser en « formant » mieux, malheureusement les formes choisies vont certes permettre des économies (les lauréats vont produire immédiatement les 4/5 d’un service en lieu et place d’un tiers !) mais les solutions choisies sont au mieux inefficaces, au pire dangereuses.

2 Une menace contre les fonctions et les contenus de l’enseignement supérieur : une mastérisation perverse

21 La recherche hors sol.

En faisant d’un master « parcours enseignement », diplôme et préparation d’un concours d’un seul et même élan, le sésame de l’entrée dans le paradis enseignant, le projet déconnecte totalement les étudiants les plus nombreux de la recherche avant même d’y avoir goûté. Bien que le cabinet du Ministre de l’Enseignement supérieur prétende préserver la part de recherche, le cahier des charges de ce master préparation au concours de recrutement ne peut guère lui faire de place en déclinant déjà sur trois semestres l’initiation à la didactique et à la pédagogie et la maîtrise critique de la démarche et des contenus des programmes de l’enseignement secondaire.
Seuls les étudiants convaincus de pouvoir s’aventurer dans la quête d’un poste de chercheur ou d’universitaire s’engageront sur les voies arides de master recherches qui ne les prépareraient pas aux concours. Par conséquent devant des salles de séminaire vidées, pour certaines disciplines de sciences humaines et de lettres, l’enseignement de master recherche va ressembler à de la culture hors sol.


22 Les reçus collés

En l’état actuel le concours qui requiert l’obtention du master 2 se déroule avant sa sanction finale, au moins en ce qui concerne les épreuves d’admissibilité et la première partie des épreuves d’admission. On devine par avance les pressions qui s’exerceront sur les jurys universitaires quand des candidats élus par la voie du concours ne satisferont pas aux exigences du jury universitaire. La chronologie superpose de facto le registre de la collation des grades et celui de l’obtention d’un concours de la fonction publique.
Inversement on devine que les élus du master, collés au concours, formeront un vivier très exploitables de « maîtres-auxiliaires » pour l’employeur.

23 Une menace contre les savoirs

Ce point de vue ne vaut pas dans l’absolu et dépend de la nature des épreuves selon les disciplines. Reconnaissons d’abord que la nouveauté n’existe que pour l’honorable corporation des historiens-géographes puisque dans nombre de disciplines, à l’inverse de l’agrégation les programmes du CAPES sont déjà ceux des lycées et collèges. Toutefois la répartition de l’effort des candidats en fonction de la pondération des épreuves implique de facto une diminution de l’exigence, y compris pour les disciplines qui avaient déjà pour programme les contenus des lycées et collèges. L’investissement disciplinaire ne représente plus que 40% de l’effort des candidats.
Si le professeur n’est qu’un simple manipulateur de manuels : aucun problème. Mais cela implique qu‘au sortir de la licence, l’étudiant maîtrise la totalité des théories, des méthodes et des savoirs nécessaires pour utiliser les manuels en critique averti. On ne peut que redouter l’effet de cette contrainte sur l’enseignement supérieur, submergé par les exigences factuelles au détriment de l’apprentissage long et rigoureux de la méthode intellectuelle.

3 Les difficultés inhérentes à l’histoire

31 La recherche initiation au rôle d’enseignant

L’activité de recherche, en histoire en particulier, va donc se trouver réduite à sa plus simple expression. La recherche n’était pas obligatoire jusque là (CAPES dès la licence) et, pour ses détracteurs, la rédaction d’un mémoire sur un objet précis et ponctuel est aux antipodes du métier d’enseignant.À mon sens c’est tout le contraire ! La recherche fait éprouver au jeune étudiant ce constat essentiel : l’histoire n’est pas donnée, elle s’écrit. Tout commence par l’incertitude face à une somme de questions. Redécouvrir l’ignorance fondamentale, c’est une propédeutique essentielle pour comprendre les difficultés de l’élève confronté à un programme classique pour l’enseignant, d’une nouveauté radicale pour lui.
Ainsi, avec la création de Master qui évacue de fait la recherche, la réforme élimine, à mon sens, un élément crucial de formation pour le futur professeur.

32 Une solution trompeuse : quand la culture « générale » conduit au psittacisme

Connaître d’une façon approfondie l’ensemble des contenus de l’enseignement secondaire renvoie la maîtrise de la discipline historique à la seule maîtrise des faits et de la culture générale. Certains peuvent s’en réjouir, à mon sens il s’agit d’un trompe-l’œil. Devant l’étendue des programmes il est clair que la seule maîtrise factuelle, associée à une bonne rhétorique de classe préparatoire tiendra lieu de sens et de problématiques historiques. Quant à la connaissance de l’évolution de la discipline, l’étendue du programme la rend vaine pour des débutants.

33 Le statu quo ante est-il tenable ?

Préserver des questions, assez étroites partagées avec l’agrégation, place ce concours à part parmi les disciplines d’enseignement général des lycées. Sans entrer dans les questions de principe cela fragilise notre position par sa singularité.
Cependant cette solution présente pour les deux disciplines associées des avantages dont nous sommes souvent convaincus (pas tous si j’en crois les propos de certains IPR). Cependant le maintien à tout prix de cette position risque de fragiliser le front uni transdisciplinaire auquel je nous appelle.
Je suis très sceptique sur l’idée d’une écrit disciplinaire portant sur les programmes dans leur ensemble. D’une part des sujets couvrant les programmes des lycées et collèges posent le problème de la disparité du niveau d’exigence entre les questions approfondies au lycée et celles qui ne sont vues qu’en 6è et en 5è (Histoire ancienne et médiévale, moderne aussi pour l’essentiel) . D’autre part j’y suis hostile pour le motif évoqué plus haut.

Aussi je suggère d’explorer deux voies. La première, évoquée par de nombreux collègues, revient à reprendre le libellé des programmes mais seulement pour une partie d’entre eux, en changeant tous les deux ans les questions retenues. La seconde, beaucoup plus hétérodoxe, part du principe que ce ne sont pas les connaissances qui doivent être ici vérifiées mais l’aptitude à s’élever en position de critique et d’utilisateur expert des manuels. L’épreuve écrite, à inventer partirait de cette suggestion pour trouver une forme particulière.

34 Jeter le bébé avec l’eau du bain : quid de l’ESD ?

Je sais que la forme trouvée par l’ESD en histoire géographie semble beaucoup trop théorique à certains collègues et pour citer une formule lue sur le blog « l’histoire et l’épistémologie de la discipline » seraient inutiles pour des enseignants de collège. Nous sommes plusieurs à être d’un avis opposé.
Ici je n’écris plus seulement comme historien mais aussi comme citoyen et parent d’élève : le choix des termes, la réflexion sur la construction des catégories et l’élaboration des enjeux du savoir me semblent devoir constituer la part immergée de la formation d’une enseignant conscient de ses responsabilités. Certes il n’utilisera pas explicitement cette part critique de sa formation, mais le concours doit permettre de savoir si le futur enseignant parlera d’identité, de génocide, de culture, de mémoire … en ayant conscience des choix intellectuels que chacun de ces termes soulèvent lorsqu’il prépare son cours.